vendredi 22 août 2008

Chant d'automne

Moi qui n'avais pas gardé un excellent souvenir de Charles Baudelaire, je le redécouvre favorablement aujourd'hui avec ce poème.
Il faut dire que l'étude des Fleurs du Mal et plus spécifiquement du Spleen et idéal avait été laborieuse et au final, fastidieuse.
Quant à mon oral du bac de français, où l'examinatrice me choisit l'invitation au voyage, ce fût une expérience pénible...
Je reconnais qu'à cette époque, je n'étais guère réceptive à la poésie et aux poètes, surtout tourmentés comme l'était Charles Baudelaire, preuve formelle que les temps et les mentalités changent. Mais, et là on y verra une certaine constance tout de même, les philosophes des Lumières me fascinaient!
A croire qu'une lutte acharnée entre poésie et philosophie se livrait dans mon for intérieur, pour aujourd'hui vivre en parfaite harmonie et complémentarité. Ce doit être le début de la sagesse... (sic)
Chant d'automne tombe à propos, il reflète justement l'ambiance de cette journée pluvieuse, prémices de la prochaine saison.
Ce poème est une expression du spleen et de l'obsession que l'auteur à du temps. Il y associe à la pensée de l'hiver qui vient, l'attente anxieuse d'une mort prochaine. Le spleen, chez Baudelaire relève d'un état pathologique, loin de la mélancolie de Lamartine...
Baudelaire fut toute sa vie malheureux, enfant, il fut traumatisé par la mort de son père et le remariage de sa mère, révolté face au monde qui lui est contemporain, il souffre de solitude morale qui lui inspire des visions d'exil, l'écriture et l'utilisation des images, des symboles, ont vocation d'exutoire, mais en vain.
Ses écrits respirent de sincérité, lui longtemps incompris. Dans une lettre à M. Ancelle, il s'expliquait ainsi: "Faut-il vous dire, à vous, qui ne l'avez pas plus deviné que les autres, que, dans ce livre atroce (Les Fleurs du Mal), j'ai mis toute ma pensée, tout mon cœur, toute ma religion, toute ma haine; il est vrai que j'écrirai le contraire, que je jurerai mes grands dieux que c'est un livre d'art pur, de singerie, de jonglerie, et je mentirai comme un arracheur de dents".
Mais ne réduisons pas Baudelaire au spleen, pour s'en affranchir, il est en perpétuelle quête de l'idéal qui se manifeste dans ses rêves de beauté, beauté à qui il voue un culte, comme dans sa soif de pureté...
Baudelaire maniait et transmettait dans ces poèmes autant la volupté que le désespoir ou l'angoisse...
Place à présent à:

Chant d'automne

I

Bientôt nous plongerons dans les froides ténèbres ;
Adieu, vive clarté de nos étés trop courts !
J'entends déjà tomber avec des chocs funèbres
Le bois retentissant sur le pavé des cours.

Tout l'hiver va rentrer dans mon être : colère,
Haine, frissons, horreur, labeur dur et forcé,
Et, comme le soleil dans son enfer polaire,
Mon coeur ne sera plus qu'un bloc rouge et glacé.

J'écoute en frémissant chaque bûche qui tombe ;
L'échafaud qu'on bâtit n'a pas d'écho plus sourd.
Mon esprit est pareil à la tour qui succombe
Sous les coups du bélier infatigable et lourd.

Il me semble, bercé par ce choc monotone,
Qu'on cloue en grande hâte un cercueil quelque part.
Pour qui ? - C'était hier l'été ; voici l'automne !
Ce bruit mystérieux sonne comme un départ.

II

J'aime de vos longs yeux la lumière verdâtre,
Douce beauté, mais tout aujourd'hui m'est amer,
Et rien, ni votre amour, ni le boudoir, ni l'âtre,
Ne me vaut le soleil rayonnant sur la mer.

Et pourtant aimez-moi, tendre coeur ! soyez mère,
Même pour un ingrat, même pour un méchant ;
Amante ou soeur, soyez la douceur éphémère
D'un glorieux automne ou d'un soleil couchant.

Courte tâche ! La tombe attend ; elle est avide !
Ah ! laissez-moi, mon front posé sur vos genoux,
Goûter, en regrettant l'été blanc et torride,
De l'arrière-saison le rayon jaune et doux !


Je pense que mon incursion dans le vaste monde de la poésie prend fin ici, au moins pour un temps. J'espère ne pas trop vous avoir ennuyé avec mes "états d'âme"...
Bien à vous.
Alexandra

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